L’esprit qui préside au travail de Glenn Brown est la transformation: il emprunte le thème à un maître classique, la palette à une œuvre moderniste, pose une atmosphère en prenant pour titre les paroles d’une chanson pop. Brown s’est fait connaître (et parfois critiquer) par sa pratique décomplexée de l’appropriation au début des années 1990, un âge d’or pour les jeunes artistes britanniques. Il reproduit les coups de brosse épais de peintres expressionnistes comme Frank Auerbach ou Karel Appel, dans un style presque photoréaliste, imitant avec soin leurs gestes vifs avec un pinceau fin jusqu’à ce que la surface lisse trompe l’œil. Il se saisit des dimensions cosmiques des couvertures de romans de science-fiction pour façonner des tableaux historiques épiques. Brown se tourne vers les anciens maîtres, superpose à leurs modèles historiques une compréhension contemporaine de la matérialité de la peinture et met à leur service un sens aigu de la couleur.

En suivant l’évolution de l’artiste au fil des décennies, nous constatons qu’il s’engage de plus en plus profondément avec la peinture et diversifie sa pratique de ce matériau. Brown invente ses propres gestes et palettes, qui s’emparent de son sujet et déstabilise le spectateur avec des teintes douceâtres. Lorsqu’il commence à façonner des sculptures avec de la peinture, il superpose les couches et les coups de brosse jusqu’à l’absurde, pour obtenir des figures tridimensionnelles, parfois sur le socle de statuettes anciennes en bronze. Il les met ensuite en scène dans des installations où les différentes techniques interagissent; ou les expose dans les salles d’un musée pour instaurer un dialogue entre ses œuvres et celles qui l’ont inspiré. Au milieu des années 2010, Brown cesse complètement de peindre pour s’intéresser au dessin et fait souvent réagir ses œuvres aux cadres anciens en bois qu’il collectionne. Quand il revient à la peinture, son trait exprime une liberté nouvelle, les lignes dansent et s’enlacent, les couleurs irradient du cœur même de sortes de Janus picturaux où deux motifs antagonistes se superposent.

Ce livre, conçu et réalisé en étroite collaboration avec l’artiste, offre un panorama inégalé de son travail. Tous les auteurs ont travaillé avec Brown afin de brosser un portrait à l’eau forte de l’artiste, une analyse historico-artistique de son travail et de son évolution, ainsi que des essais sur les différents genres et techniques qu’il a explorés. Les commentaires rédigés par Brown spécialement pour cette édition éclairent certaines œuvres et choix artistiques. Surtout, son grand format donne vie aux coups de pinceau experts mais doux et aux lignes exubérantes de l’artiste, nous dévoilent les moindres détails époustouflants et nous font ressentir son amour contagieux pour la peinture, discipline et matière.

«Je suis un peu comme le Dr Frankenstein; je construis des tableaux à partir des résidus ou des parties mortes des œuvres d’autres artistes. J’espère créer un sentiment d’étrangeté en réunissant des exemples de la façon dont les artistes anciens et modernes ont représenté leur appréhension personnelle du monde. Je vois leurs mondes sous une multitude d’angles, du point de vue schizophrène de tous leurs yeux. Leurs sources d’inspiration me suggèrent des choses qu’autrement je ne verrais jamais.» — Glenn Brown

Édition d'Art (No. 1–12), numérotée et signée par Glenn Brown; chaque couverture a été peinte à la main par l’artiste.